Les Femmes : le point fort d'une équipe
- mademoisellesennuie
- 5 avr. 2015
- 9 min de lecture
Je veux partager avec vous le résultat d'une étude sur l'efficacité du travail en groupe, menée par le MIT. Selon cette étude, l'intelligence d'un groupe n'est pas proportionnelle au QI des membres du groupes, mais au nombre de femmes constituant le groupe !
Plusieurs articles autour du sujet :
- un article du Blog du Monde datant de Fevrier 2015 (voire aussi article du New York Times sur le sujet : Why Some Teams Are Smarter Than Others)
- un article du magasine CLES datant de Fevrier 2014
07 février 2015
Pourquoi certaines équipes sont-elles plus intelligentes que d’autres ?
Anita Wooley, spécialiste de l'étude des comportements de groupes, Thomas Malone, directeur du Centre pour l'intelligence collective du MIT et le psychologueChristopher Chabris, nous expliquent dans une tribune pour le New York Times ce qui fait la qualité d'un groupe sur un autre.
Pour cela, ils convoquent une étude de 2010 menée par Alex Pentland du MIT (cf."Big Data : vers l'ingénierie sociale ?") qui montrait que certaines équipes réussissaient mieux que d'autres, même si elles n'étaient pas spécialistes des sujets qu'elles devaient traiter. La qualité d'une équipe ne repose donc pas tant sur l'intelligence de chacun de ses membres que sur sa capacité à faire équipe (enfin, pour autant que la tâche à réaliser nécessite une collaboration profonde pas seulement de résoudre un problème précis : si vous demandez à un groupe de résoudre un calcul différentiel, il vaudrait mieux qu'il y a ait des mathématiciens autour de la table !).
Les chercheurs ont ensuite tenté d'en comprendre les raisons. Le niveau de QI n'a rien expliqué. L'extraversion ou l'introversion des participants non plus, pas plus que la motivation des participants à faire réussir leur équipe. En fait, les équipes les plus intelligentes étaient distinguées par trois caractéristiques :
Leurs membres ont contribué de façon plus équitable aux discussions de l'équipe, plutôt que de laisser une ou deux personnes dominer le groupe.
Leurs membres ont obtenu de meilleurs résultats à un test de lecture de "l'esprit dans les yeux", un test qui mesure la façon dont les gens peuvent décrypter les états émotionnels complexes à partir d'images de visages où seuls les yeux sont visibles (comme celui-ci) !
enfin, les équipes avec plus de femmes ont surclassé les équipes avec plus d'hommes. Ce n'est pas la diversité (un nombre égal d'hommes et de femmes) qui comptait, mais le fait qu'il y ait plus de femmes, notamment parce qu'en moyenne elles ont tendance à être plus capables de lire l'esprit des autres.
Une nouvelle étude vient de reproduire ces conclusions, mais en la précisant, notamment en faisant travailler les équipes pour moitié en face à face et pour l'autre en ligne. Le but, voir si les groupes travaillant en ligne étaient capables d'intelligence collective et si la capacité sociale, l'empathie, importerait autant quand les gens communiquaient par messagerie électronique. En fait, l'étude a confirmé les apprentissages de la première. Les ingrédients les plus importants (l'équité de parole, l'empathie, la sur-représentation féminine) sont demeurés les facteurs décisifs (sur tous les autres) indépendamment du mode d'interaction employé. Les meilleures équipes étaient celles qui communiquaient beaucoup, d'une manière équitable et qui possédaient de bonnes compétences en compréhension des émotions des autres. Ce dernier constat a été plutôt une surprise, soulignent les chercheurs. La capacité à comprendre les émotions des autres était aussi importante pour ceux qui devaient lire entre les lignes que pour ceux qui devaient travailler en face à face. "Ce qui rend les équipes plus intelligentes est non seulement la capacité à lire les expressions faciales, qu'une capacité plus générale, connue comme la "théorie de l'esprit", de savoir examiner et garder trace de ce que les autres pensent, connaissent, croient..."
Comme le souligne Derek Thompson pour The Atlantic, ces études battent en brèche bien des attributs qu'on accorde généralement aux collectifs. Notamment le fait que la cohésion, "la motivation" ou la "satisfaction" n'ont pas un grand rôle dans l'intelligence et l'efficacité d'un groupe. Le rôle de l'intelligence sociale, de l'empathie, semble plus importants. Tant mieux !
Hubert Guillaud
Une version de cet article est publiée dans le n°87 (Février-Mars 2014) du magazine CLES
UN GROUPE EST TOUJOURS PLUS FORT QUE VOUS
C’est prouvé : seul, même un génie ne fait pas le poids face à un groupe lambda. Google ou la CIA l’ont bien compris, et ont intégré les principes de l’intelligence collective.
Découvrez comment 1+1=3.
Par Emile Servan-Schreiber
« Si j’étais le président Obama, ou John Kerry, je voudrais ces prévisions sur mon bureau
tous les matins. » Quand il écrit cette phrase, l’éditorialiste du New York Times, David
Brooks, désarçonne certainement les esprits les plus rationalistes. Les autres aussi, sans
doute. En fait, tous ceux qui ont encore du mal à qualifier de « prévisions » les
pronostics… des parieurs, et à les préférer même à ceux des sondeurs ou autres experts attitrés.
Un groupe informel, formé d’anonymes, serait-il plus « intelligent » que ces
grands esprits qui nous décryptent à tour de rôle l’avenir ?
Les faits sont là. Prenons les Etats-Unis. Entre 1988 et 2004, sur une période couvrant 5
élections présidentielles, 964 sondages ont été effectués par différents instituts. Quand
on les compare au consensus de centaines de parieurs le même jour, on constate que
dans 72% des cas, ces derniers ont vu plus juste que les sondeurs. Plus proche de nous,
en France, le site PrédiPOL, sponsorisé par Le Figaro, a permis de parier (avec une
monnaie virtuelle) sur les élections régionales de 2010. Résultat : contre l’avis de tous
les instituts de sondages, PrédiPOL a été le seul à prévoir les deux grandes surprises du
scrutin : l’énorme score du FN au premier tour et le maintien de la droite en Alsace.
D’ailleurs, aujourd’hui, ce que l’on appelle « l’intelligence collective » des parieurs (en
monnaie virtuelle) est de plus en plus utilisé en interne par les multinationales pour
mieux anticiper l’avenir. Google, InterContinental Hotels, Arcelor-Mittal, Pfizer, Molex et
bien d’autres en ont tiré les bénéfices. Même les agences de renseignement américaines,
la C.I.A. en tête, y font appel depuis plus de deux ans pour améliorer la justesse de leurs
prévisions géopolitiques, via des panels de centaines de parieurs internes et externes.
Les résultats sont probants !
Qu’il s’agisse de géopolitique ou de sport, de cinéma ou d’élections, toutes les études
conduites depuis un quart de siècle s’accordent pour conclure que le consensus d’une
foule de parieurs est une prévision plus fiable que celles d’un expert réputé ou d’un
sondage d’opinions. Pour l’intelligentsia anglo-saxonne, la cause est entendue. En 2008,
vingt-deux éminents professeurs, dont quatre prix Nobel d’économie, écrivirent même
une lettre ouverte au gouvernement américain pour l’implorer d’assouplir ses lois
interdisant les paris en ligne. C’est d’ailleurs dans le domaine de la futurologie que
l’intelligence collective produit les résultats les plus spectaculaires. Alors que Wikipedia
nous livre le passé et que Google nous branche sur le présent, les sites de paris en ligne,
malgré leur réputation sulfureuse, n’ont pas leur pareil pour prévoir l’avenir.
Longtemps, l’intelligence collective a été une affaire… d’insectes. Voyez ces majestueuses
termitières, parfois hautes comme quatre hommes, d’autant plus miraculeuses qu’aucun
des minuscules cerveaux ayant participé à leur construction n’est capable d’en imaginer
l’architecture complexe. Comme si la troupe des termites était dotée de sa propre
intelligence, bien plus formidable que la simple somme des capacités intellectuelles des
individus qui la composent. 1+1 = 3.
Pour nous, humains, la pensée occidentale moderne a plutôt eu tendance à mettre sur un
piédestal le génie individuel ou, à défaut le « meilleur d’entre nous » : l’antique
philosophe, l’homme d’Etat providentiel, le prix Nobel, l’expert, l’Oscar, le ballon d’or, le
PDG, etc. Quitte à ignorer l’ensemble des talents qui ont contribué au succès, mais qui
sont trop nombreux pour être facilement identifiables. Pourtant, Aristote affirmait que
« de nombreux individus, dont aucun n’est un homme vertueux, peuvent, quand ils
s’assemblent, être meilleurs que les quelques meilleurs d’entre eux, non pas
individuellement mais collectivement ... ». En réalité, l’idée que des cerveaux humains
puissent, en s’assemblant, produire une intelligence supérieure, comme chez les
termites, est un fait multimillénaire. Mais il reste de bon ton, dans certains milieux
intellectuels, de déconsidérer ce que le best-seller de James Surowiekci a poétiquement
intitulé « la sagesse des foules » (JC Lattès, 2008).
L’avènement d’Internet comme média de masse a bouleversé notre conception
individualiste de l’intelligence. Chaque jour, des milliards d’individus interagissent, et
leur intelligence collective surpasse, de très loin, les plus intelligents et les plus instruits
d’entre nous. Un exemple ? L’algorithme de Google. Pour trouver la bonne réponse à nos
recherches, il suit les liens que d’innombrables webmasters ont sélectionnés sur leurs
sites. Sa puissance repose donc sur l’intelligence agrégée de tous ces choix individuels
quant à la pertinence de telle ou telle information sur la toile. Dans un autre genre,
l’encyclopédie collaborative Wikipedia a confondu les sceptiques par son ampleur et sa
richesse. C ‘est une source d’information si appréciée qu’on la retrouve généralement
tout en haut des réponses proposées par… Google.
« L’intelligence collective » a trouvé sa confirmation scientifique dans une étude publiée,
en 2010, dans la revue « Science ». Des chercheurs de Carnegie Mellon et du MIT ont en
effet réussi à prouver que le quotient intellectuel d’un groupe (QI) est tout aussi tangible
et mesurable que le QI individuel. De plus, en mesurant le QI d’un groupe (à travers la
résolution de divers problèmes), ils ont découvert avec surprise que celui-ci n’est pas
déterminé par les QI individuels des membres de ce groupe. Autrement dit, ce n’est pas
parce qu’il y a un génie dans le groupe, ni même parce que tout le monde y est
intelligent, que le groupe sera intelligent. Non, ce qui compte le plus, c’est… la
proportion de femmes : en gros, plus il y en a, plus le groupe est intelligent.
Ce surprenant résultat – même si certaines feront mine de ne pas s’en étonner – pourrait
ne présenter qu’un intérêt théorique s’il n’en éclairait un autre, en prise directe avec
notre économie. Selon le professeur Michael Ferrary de l’université de Genève, les dix
entreprises du CAC 40 les plus féminisées – au moins 35% de cadres supérieurs
féminins – ont largement surperformé l’indice de référence pendant la grande crise de
2007 à 2012, en ne perdant que 5,3% de valorisation en bourse contre 34,7% pour
l’ensemble du CAC 40.
En fait, le sexe n’est pas – cette fois – la véritable clé du phénomène. Celui-ci s’explique
surtout par le fait que les femmes sont en général plus enclines que les hommes à laisser
les autres s’exprimer, et à les écouter. C’est donc la qualité de la communication entre les
membres du groupe qui est déterminante, plutôt que leurs hormones ou leurs QI
individuels. Quand tout est mis sur la table, les connaissances s’accumulent et se
complètent, tandis que les biais individuels s’annulent les uns les autres. Reste une
somme de connaissances consolidée, débarrassée du bruit subjectif. Mais
paradoxalement, pour y parvenir, chacun doit apporter non seulement ses
connaissances, mais aussi sa subjectivité. Car la diversité des points de vue contribue
autant à l’intelligence du groupe que la somme des connaissances : c’est elle qui permet
d’ « épurer le signal ».
La diversité du groupe peut même compenser le manque d’expertise de ses membres,
comme le démontre une autre étude récente (2011) comparant le jugement d’avocats
expérimentés à celui d’un groupe d’étudiants en droit. Ainsi, pour pronostiquer un
verdict, 16 étudiants réunis obtiennent un résultat aussi juste que celui d’un avocat
ayant vingt ans d’expérience. En revanche, il faudra 42 étudiants pour faire aussi bien
que deux avocats expérimentés, communiquant ensemble.
Le grand général américain Georges Patton aimait répéter que « si tout le monde pense la
même chose, c’est que quelqu’un ne pense pas ! » De fait, la « pensée unique », le
moutonnisme, les images de foules irréfléchies, en proie à une folie commune, bras
levés, sont les premiers contre-arguments du sceptique quant à la possibilité de
l’intelligence collective. Mais pour fabriquer un groupe intelligent, il faut suivre une
recette bien précise qui permet d’éviter les pièges du conformisme.
Quatre ingrédients sont nécessaires : d’abord, la diversité des opinions. Il s’agit de
cultiver activement la variété des points de vue. Ensuite, la décentralisation des sources
permet de récolter des connaissances spécialisées au plus près du terrain. Chacun devra
aussi pouvoir s’exprimer en toute indépendance afin d’encourager l’originalité, voire la
confrontation, plutôt que le conformisme. Enfin, un mécanisme objectif servira à agréger
l’information récoltée : ce sera par exemple l’algorithme de Google, les règles de
conduite imposées à ses contributeurs par Wikipedia, ou une moyenne mathématique
des estimations de plusieurs prévisionnistes.
A l’aube du XXIe siècle, l’intelligence collective est ainsi passée d’un concept vaguement
« new age » au statut de science dure et de technologie appliquée. Gageons que les
gouvernements et les entreprises qui en adopteront les principes feront un bon évolutif
qui laissera dans la poussière leurs concurrents restés fidèles au culte de la personnalité.

Emile Servan-Schreiber est cogniticien et directeur de Lumenogic, un cabinet de conseil américain
spécialisé dans les technologies de l’intelligence collective et des marchés prédictifs depuis l’an 2000.
Comments