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    Devenez citoyen-chercheur !

    • mademoisellesennuie
    • 7 avr. 2015
    • 5 min de lecture

    Voici un article très intéressant parru dans Courrier International.

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    Sciences. Devenez citoyen-chercheur !

    Grâce à des sites Internet et à des applications ludiques, n’importe qui peut aujourd’hui prêter main-forte aux scientifiques. Et le potentiel de tous ces cerveaux disponibles est gigantesque.

    A la fin du XIXe siècle, une équipe d’archéologues britanniques découvrit en Egypte le tas de détritus le plus précieux au monde. Le site était proche de la ville antique d’Oxyrhynchos [aujourd’hui Al-Bahnasah], sur la rive ouest du Nil. C’est grâce à son exceptionnelle sécheresse que ces monceaux de papyrus vieux de deux mille ans, ainsi que les textes inscrits dessus, avaient été si bien conservés.

    Près d’un demi-million de papyrus furent ainsi extraits du désert égyptien et expédiés à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni, où des générations d’universitaires les ont minutieusement transcrits et traduits. Ce travail considérable menaçait toutefois de s’éterniser. Après plus d’un siècle, seuls 15 % environ de la collection étaient déchiffrés. Il y a quelques mois, les papyrologues ont fait un pari audacieux : ils ont créé un site Internet, baptisé [ancientlives.org] [vies antiques]. Celui-ci propose un jeu : n’importe qui, de chez lui, peut aider à transcrire du grec ancien en identifiant les signes affichés sur les papyrus. Et l’aide commence à affluer. Depuis l’ouverture du site, 4 millions de transcriptions ont été proposées. Les internautes ont permis d’identifier des écrits de Thucydide [historien athénien du Ve siècle avant J.-C.], d’Aristophane [poète grec du Ve siècle avant J.-C.], de Plutarque [philosophe de la Rome antique, 46-120 après J.-C.], et bien d’autres œuvres encore.

    Ancient Lives s’inscrit dans une nouvelle approche de la recherche, appelée “science participative” ou “science citoyenne”. L’idée est de débloquer des travaux de recherche épineux en exploitant le temps et l’enthousiasme du grand public. Ces dernières années, des projets de science participative ont germé dans des domaines aussi variés que l’écologie, la recherche sur le sida et l’astronomie. Et ils ont d’ores et déjà permis de faire avancer la recherche dans quelques domaines spécialisés.

    Pour l’instant, cette science citoyenne n’a affecté qu’une infime portion des études menées dans le monde. Mais ses succès précoces, qui ont surpris jusqu’aux concepteurs de cette approche, suggèrent qu’avec le temps les collaborations entre professionnels et amateurs vont bouleverser le paysage scientifique.

    L’idée de recruter des scientifiques amateurs remonte à plus d’un siècle. En 1900, aux débuts du mouvement américain de protection de la nature, l’ornithologue Frank Chapman avait organisé le Christmas Bird Count, un recensement d’oiseaux. Aujourd’hui, il existe des comptages de populations de lucioles, de harengs et de coccinelles. Une nouvelle application sur iPhone, baptisée Noah – pour Networked Organisms and Habitats [organismes et habitats en réseau] – permet à ses utilisateurs de prendre en photo les espèces qu’ils rencontrent et de partager l’information avec d’autres personnes, notamment des chercheurs. Une initiative britannique similaire, iSpot, a conduit à la découverte de deux espèces animales qui n’avaient jamais été observées en Angleterre auparavant.

    L’avènement d’Internet a ouvert un nouveau champ de possibilités : le public intéressé peut offrir aux universitaires une aide bien plus importante que la simple collecte de données. Dans un exemple récent bien connu, ce sont les ordinateurs des particuliers qui ont été mis à disposition. En effet, en 1999 a été lancé [seti@home], un exemple de projet d’“informatique répartie”. En téléchargeant un logiciel, les volontaires “prêtent” un peu de la puissance de leur ordinateur en veille. Celle-ci va aider à analyser des données recueillies par un radiotélescope dédié à la recherche de signes de vie extraterrestre.

    Un tournant fascinant a été franchi plus récemment : les volontaires peuvent proposer non seulement du temps d’ordinateur disponible, mais aussi du temps de cerveau disponible. En 2007, des astronomes d’Oxford lancent le site . Il fournit un tutoriel simple qui explique comment classer les galaxies en fonction de leur apparence, puis propose aux internautes des images que les astronomes n’ont pas encore classées. Le site a instantanément un succès tel que ses serveurs implosent peu de temps après son lancement. Les données du projet sont aujourd’hui utilisées dans un nombre croissant de publications scientifiques.

    Les instigateurs de [galaxyzoo.org] ont décidé d’étendre leur approche à d’autres sujets, comme les explosions solaires et le changement climatique, et d’englober l’ensemble des travaux sur un site nommé [zooniverse.org]. Parallèlement, de nombreux autres scientifiques et organisations ont rejoint le mouvement : un site populaire, [scienceforcitizens.net], liste plus de 400 projets, et sa fondatrice pense atteindre le millier d’ici un an. Aujourd’hui encore, de nombreuses tâches sont hors de portée des ordinateurs les plus récents, notamment celles qui demandent l’interprétation d’images complexes, comme l’identification de cellules cancéreuses ou la classification des galaxies. Ainsi, Internet se révèle un outil fabuleux qui permet de faire traiter ces problèmes par les véritables superordinateurs en réseau de la planète : les cerveaux humains.

    Une découverte récente souligne la sophistication des travaux que les volontaires peuvent réaliser. Les biologistes s’intéressent depuis longtemps aux formes en trois dimensions que prennent les protéines à l’intérieur du corps humain. Ces molécules jouent en effet un rôle essentiel dans l’organisme mais se plient dans des formes difficiles à prévoir. Dans la re­cherche sur de nombreuses maladies, le pliage de protéines est donc un obstacle.

    Voilà pourquoi une équipe de scientifiques de l’université de Washington a créé un jeu en ligne baptisé Foldit [voir CI n° 981, du 20 août 2009] qui donne aux joueurs une image de protéine ainsi que des outils semblables à ceux d’un jeu vidéo pour la plier. A mesure que l’énergie requise pour maintenir la molécule dans une forme particulière diminue – ce qui signifie qu’on s’approche de la forme naturelle de la protéine – le score du joueur augmente. Foldit est un jeu potentiellement addictif, qui exige d’excellentes capacités de raison­nement dans l’espace. En septembre 2011, les chercheurs ont annoncé qu’une équipe de joueurs avait élucidé le pliage d’une protéine de grande importance pour la recherche sur le sida.

    Foldit est la démonstration la plus impressionnante à ce jour de la capacité du grand public à contribuer à des projets scientifiques. Mais son succès cons­titue également une critique de la manière dont la recherche scientifique est organisée actuellement. La science fonctionne en société fermée, organisée en petits fiefs de spécialistes extrêmement bien formés.

    Chaque problème donné n’est donc étudié que par quelques cerveaux. Le système est en partie conditionné par la tradition, mais la principale difficulté vient du fait que la plupart des scientifiques entretiennent à l’égard de leurs données un rapport d’exclusivité. Un chercheur n’épargne ni son temps ni ses efforts pour créer des travaux originaux, et s’attend ensuite à en recueillir le fruit lorsqu’il publiera le premier un article décrivant un phénomène nouveau. De fait, personne ne veut partager ses données, encore moins avec des étrangers. Mais pour exploiter les capacités de réflexion de 1 000 personnes voire plus, il vous faut dévoiler vos travaux au public – une chose que les scientifiques répugnent à faire.

    Ces dix dernières années, le progrès technologique a permis à la science collaborative d’obtenir d’excellents résultats. Or, d’après Michael Nielsen, ancien physicien et théoricien de la science, auteur de Reinventing Discovery: The New Era of Networked Science[Réinventer la découverte : la nouvelle ère de la science en réseau, non traduit en français], les institutions scientifiques n’ont pas vraiment cherché à mettre au point des moyens de partager les informations de façon productive.

    Avec le temps cependant, on peut s’attendre à voir émerger un nouveau type de chercheur : particulièrement doué pour identifier des problèmes et concevoir des projets, il sera capable de puiser dans le génie d’une équipe dispersée et hétérogène.

    La recherche fait progresser la science, et nous sommes, semble-t-il, à l’aube d’une démocratisation de la recherche. Un individu lambda sera peut-être celui qui comprendra que telle protéine se plie de telle façon ; une femme qui n’a jamais été à l’université pourra découvrir que des tracés en pattes de mouche sont en réalité un poème amoureux vieux de deux mille ans. Nul ne peut prévoir la direction que prendra un tel mouvement. Mais les pionniers de la science participative ont très clairement le sentiment qu’ils viennent de découvrir une ressource nouvelle, à fort potentiel et encore très mal comprise.

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